描述
[...] Parce que dans votre tête, il y a les facultés dont je viens de parler. Il y a la mémoire, il y a l'imagination, il y a la raison... Vous avez... cent mille logiciels pour faire des opérations que vous ne feriez pas sans votre tête. Mais votre tête, elle est objectivée : vous avez perdu la tête ! C'est-à-dire que l'homme moderne est un homme qui, pour parodier le fameux titre du roman de Musil, j'appellerai volontiers l'homme sans facultés. C'est-à-dire que les facultés désormais sont là, vous les avez perdues, elles sont là devant vous. Et tout le savoir, toute l'imagination, toutes les fonctions rationnelles sont là devant vous. Vous avez à votre disposition la tête de Saint Denis. Très bien. Question maintenant, et qui est la question finale et péremptoire et décisive : mais qu'est-ce qu'il vous reste sur le cou ? Et si vous regardez... si vous regardez le tableau en question que je suis en train de décrire, de Bonnat, Bonnat a mis sur la tête décapitée de Saint Denis une sorte de lumière transparente et incandescente. Vous voyez. Qu'est-ce qui nous reste sur le cou ? Eh ben, mesdames, messieurs, je voudrais conclure cette conférence par un mot catastrophique, catastrophique ! Les nouvelles technologies nous ont condamnés à devenir intelligents. Nous sommes devenus intelligents, c'est-à-dire comme nous avons le savoir devant nous, comme nous avons l'imagination devant nous, etc. Mais oui, mais oui, nous sommes condamnés à devenir inventifs, à devenir intelligents, c'est-à-dire à devenir transparents. C'est-à-dire nous sommes à distance du savoir, à distance de l'imagination, à distance de cognitions en général et il ne nous reste exactement que l'inventivité. C'est à la fois une nouvelle catastrophique pour les grognons mais c'est une nouvelle enthousiasmante pour les nouvelles générations.
